La Fabrique Culturelle

De Rivière-au-Tonnerre à Blanc-Sablon | La Tournée des clochers

L’Orchestre à cordes de Baie-Comeau dirigé par Martin Caron a fait résonner sa musique dans une douzaine d’églises, depuis la Minganie jusqu’à la frontière orientale du Québec en Basse-Côte-Nord, dans une exceptionnelle Tournée des Clochers!

Le trajet

Sur 1 300 km de littoral, la spectaculaire Côte-Nord déploie ses richesses. Jacques Cartier était myope pour comparer ce territoire, poinçonné de lacs, irrigué de rivières frayées par le saumon et tapissé de petits fruits, à la stérile terre de Caïn. Les cayes, les archipels, la lisière de la taïga, les marais salés, le chapelet de villages, le souffle des rorquals et les humains plus grands que nature : nous avons le plaisir de vous en présenter, humblement, quelques fragments, sur les traces de la Tournée des Clochers!Bâtiments BCN

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Les deux secteurs les plus à l’Est de la Côte-Nord sont la Minganie (dont le premier village est Sheldrake, aujourd’hui fusionné à la municipalité de Rivière-au-Tonnerre et la Basse-Côte-Nord, dont le premier village est Kegaska. Les villages en jaune sont ceux où la Tournée des Clochers s’est arrêtée pour un concert, en aval ou en amont, selon l’heure d’arrivée à quai du Bella Desgagnés

Une première [vidéo]

Au retour d’une série de spectacles qui avait conduit l’Orchestre à cordes de Baie-Comeau vers l’Ouest, Martin Caron, alors chef et directeur artistique de l’OCBC, réalise que très peu d’ensembles vont jouer jusqu’au bout du Québec, en fait, qu’eux-mêmes n’avaient jamais dépassé le Havre-Saint-Pierre et qu’il serait grand temps de le faire! Cet été, après quelques années de préparation, l’orchestre a pu offrir douze concerts de Sept-Îles à Blanc-Sablon. Certes, l’absence de réseau routier n’a pas empêché les premières nations de fouler ce sol depuis 9 000 ans, mais aujourd’hui, quand s’arrête la route, le Bella Desgagnés fait le relais maritime jusqu’à la frontière dentelée du Labrador! Embarquez avec l’orchestre dans la Tournée des Clochers!

Martin Caron a composé la pièce Fantaisie nord-côtière pour rendre hommage à ce territoire époustouflant et à ceux qui l’habitent. Voici notre vidéo qui tricote musique et villages là où un concert a été offert.

Le pouvoir qu’a la musique de relier profondément les gens entre eux sera toujours fascinant. L’Orchestre à cordes de Baie-Comeau a un noyau de musiciens nord-côtiers, mais des musiciens venus d’ailleurs au Québec s’y greffent souvent pour compléter l’ensemble. Ils se voient peut-être pour la première fois, mais quelque part, la musique a précédé leur rencontre; s’il existe un esperanto, c’est certainement celui-là. Une partition prescrit le son, sa hauteur et bien entendu, les seules ouvertures à l’interprétation sont les mots qui décrivent l’intensité du jeu. Une répétition et ils sont au diapason. Tous les musiciens se sont impliqués bénévolement dans la Tournée des Clochers, et comme ils l’ont répété dans chacun des villages où ils ont eu le plaisir de jouer, aucun salaire ne rivalise avec la fierté d’avoir touché le cœur des gens avec qui ils ont partagé leur musique. L’espace d’un concert privilégié, chaque village était une Capitale nationale.

Histoires des clochers

Rares sont les villages sans église, sa construction était souvent centrale à la fondation d’une nouvelle bourgade et on se débrouillait pour trouver matériaux et mobilier. Il y a certainement autant d’histoires intéressantes qu’il y a de bâtiments.

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L’église de la communauté innue d’Ekuanitshit (Mingan), tous les bouleaux s’en rappellent, a été construite de 1918 à 1919 par le célèbre Jack Monoloy (de son vrai nom John Maloney) immortalisé dans la chanson de Gilles Vigneault.

L’église de Natashquan est d’un tout autre bois. Là, le malheur des naufragés fit le bonheur des pionniers, l’église s’y s’est bâtie entre autres grâce au bois et à la cargaison de navires échoués sur les bancs de sable de sa pointe. Consultez l’article complet écrit à l’occasion du 150e anniversaire de l’église dans la Revue d’histoire de la Côte-Nord.

Quant à l’église de Rivière-au-Tonnerre, Monsieur Yvon Bezeau salue la débrouillardise d’un curé bien informé.

Randy Jones, maire de la Municipalité de Gros-Mécatina, nous raconte l’histoire de la construction de la petite église anglicane, en route vers La Tabatière

Caboteurs de la Côte-Nord

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[Plan de navigation de la Compagnie de Transport Bas-Saint-Laurent limité, 1940. Collection histoire régionale, Société historique de la Côte-Nord.]

Par Catherine Pellerin, directrice-archiviste à la Société historique de la Côte-Nord
De nombreuses goélettes à voile faisaient la navette entre les petits quais des villages et hameaux de la Côte-Nord. Sans route, le transport maritime est primordial pour assurer le ravitaillement de denrées, de marchandises diverses et le commerce des produits de la Côte-Nord : le bois, l’ocre, et les produits de la pêche. Pour une grande partie du 19e siècle, ce sont les goélettes à voile qui longent la côte. À l’orée du 20e siècle, les vapeurs prennent le relais. Le gouvernement fédéral donne à contrat le transport des marchandises et des personnes au plus offrant pour limiter les coûts prohibitifs. Pendant longtemps, la Clarke Steamships Co. a le monopole de ce côté du St-Laurent. Formée par Desmond Clarke en 1921, elle couvre de Québec à Brador Bay, puis en 1926 jusqu’à Blanc-Sablon. Mais de novembre à avril les glaces empêchent la navigation pour la zone au-delà de Betsiamites. À la suite de nombreuses pressions des élus locaux, des gens de la navigation et de M. Napoléon-Alexandre Comeau qui utilise sa notoriété pour améliorer le service de cabotage de la côte, le service d’abord mensuel devient plus fréquent. Plusieurs bateaux feront la navette : le North Shore, l’Otter, le Mayita, le Jean-Brillant, le Matane 1, le Manicouagan. Le North Shore naviguera au sein de la Clarke de 1921 à 1933 alors que le navire s’échoue aux Îlets-Caribou.

[Le S.S. North Shore échoué aux Îlets Caribou, 1933. Collection histoire régionale, Société historique de la Côte-Nord.]
[Le S.S. North Shore échoué aux Îlets Caribou, 1933. Collection histoire régionale, Société historique de la Côte-Nord.]
Philippe Hémart est capitaine du Bella Desgagnés, qui assure la liaison et le ravitaillement des villages isolés de la Basse-Côte-Nord et dans le cadre de la Tournée des Clochers, il a aussi mené à bons ports les musiciennes et musiciens de l’Orchestre à cordes de Baie-Comeau, qui en plus d’aller jouer dans les villages desservis, ont offert aux passagers sur le pont 8 le premier concert à bord!

Jos Hébert, Postier 

Jos Hébert est une autre légende parmi les John Débardeur, Charlie-Jos ou Tit-Nor, qui ont foulé le territoire de la Côte-Nord et inspiré poèmes et chansons à Gilles Vigneault. Ce gaillard est le premier postillon qui desservira la Basse-Côte-Nord. Travail ardu et essentiel, il parcourt un territoire qui s’étend sur près de 450 miles (725 kilomètres) en cométique (francisation du mot inuktitut qamutiik signifiant traîneau) tiré sur la neige par des chiens ou en barge lorsque la navigation redevenait possible, pour assurer la circulation du courrier. Radio-Québec a produit un documentaire en 1980 reconstruisant la mémoire de ce pionnier à travers les témoignages de résidents de Tête-à-la-Baleine. Voici un remontage de la vidéo originale, en hommage à l’impressionnante détermination des populations éloignées et isolées à habiter le territoire.


Comme si vous y étiez, écoutez ici quelques-unes des œuvres interprétées par l’Orchestre à cordes de Baie-Comeau durant la Tournée des Clochers, dans l’acoustique de l’église de Natashquan.

Quelques lectures

The Forgotten Labrador – Kegashka to Blanc-Sablon, par Cleophas Belvin, McGill-Queen’s University Press

Le Voyage, par Paul Lavoie, récit d’un kayakiste entre Sept-Îles et Blanc-Sablon, Éditions Cachalot, 2015

Une année à Blanc-Sablon. Journal d’un enseignant venu enseigner au bout du monde, par Stéphan Marchant, Éditions Stéphan Marchant, 2007

La Minganie, fille de l’eau, par Paul Charest et Guy Côté, Éditions GID, 2012 (aussi disponible en anglais)

Remerciements

Martin Caron, directeur artistique et chef de l’Orchestre à cordes de Baie-Comeau

Les musiciennes et musiciens : Claude Amar, Marie-Josée Biron, Julie Cadorette, Bruno Chabot, Mariève Côté, Marie-Odile Duchesneau, Micheline Fournier-Dumont, Simon Fortin-Dufour, Emmanuelle Hersberger, Caroline Jean, Gabriel Lapointe, Anik Paquet, Jasmine Perron et Jacques Simard.

Nicole Landry et Carole-Anne Tanguay, les accompagnateurs et les membres du conseil d’administration de l’OCBC, merci!

Merci à l’équipe du Relais Nordik, à Messieurs Francis Roy et Robin Kelleher, au capitaine Philippe Hémart et au personnel de bord du Bella Desgagnés pour cette précieuse collaboration.

Merci d’Ouest en Est à Monsieur Yvon Bezeau, à Madame Micheline Lapointe et Monsieur Gilles Monger, à Monsieur Randy Jones, à Monsieur Gervais Malleck, de même qu’à toutes celles et ceux qui nous ont accueillis dans leurs villages et conduits à l’église!