La Fabrique Culturelle

Festival du DocuMenteur de l’Abitibi-Témiscamingue à Rouyn-Noranda

Eh oui, malgré son ADN foncièrement original, le Festival du DocuMenteur de l’Abitibi-Témiscamingue a commencé comme bien d’autres, c’est-à-dire autour d’une bière.

Le goût du faux doc

On est en 2004 à Rouyn-Noranda. La relève en cinéma vit une période effervescente, notamment grâce aux soirées de courts métrages Amène ta cassette des Racamés, collectif régional inspiré du mouvement Kino ailleurs au Québec. C’est Carol Courchesne, qui venait de réaliser un faux documentaire avec Christian Leduc pour une soirée des Racamés, qui lance la folle idée d’un festival de faux documentaires. Avec Simon Laquerre, il songe aussi à inclure un concours de création, inspiré de la Course destination monde, qui ferait découvrir la région de l’Abitibi-Témiscamingue.

Avec l’arrivée d’Émilie Villeneuve et d’Ariane Gélinas quelques mois plus tard pour accompagner Carol dans l’organisation, l’idée prend vraiment forme et le Festival démarre sur les chapeaux de roues en juillet 2004.

On est trois cinéphiles, on a étudié en cinéma ou arts et lettres, et on est tournés vers l’humour, nous dit Émilie Villeneuve. On a choisi le créneau insolite du faux documentaire qui met de l’avant une douce ironie en jouant avec le vrai et le faux, et qui permet une réflexion par rapport aux codes du cinéma. On trouvait ça fascinant.

Les fondateurs du Festival du DocuMenteur de l’Abitibi-Témiscamingue : Carol Courchesne, Émilie Villeneuve et Ariane Gélinas en 2007. Crédit photo : Émilie Villeneuve

Dès la première année, l’engouement du public est évident : l’évènement a lieu en plein air (les trois fondateurs n’ont peur de rien, sauf de la pluie) à la presqu’île du lac Osisko. Une foule de 350 personnes assiste à la première soirée de clôture.

Foule rassemblée à la presqu’île du lac Osisko à Rouyn-Noranda. Crédit photo : Cyclopes

Pour Ariane Gélinas, l’occupation de la presqu’île était magique à chaque fois et donnait au Festival une ambiance unique, décontractée, sans prétention :

Les gens arrivaient avec chaises, couvertures et sourires, convaincus qu’ils allaient passer un bon moment. En plus de pouvoir admirer le coucher de soleil, le site permettait d’offrir des projections dans un lieu unique avec une vue imprenable sur la ville de Rouyn-Noranda « by night ». Et de voir les gens arriver de loin, voir les estrades se remplir, donnait un sentiment de fierté et d’accomplissement que je ne suis pas prête d’oublier.

Volet création : quand le public devient acteur

Un des éléments de réussite de ce festival est certainement le volet Création. Cinq équipes, venues de partout au Québec et d’ailleurs, rivalisent d’originalité afin de réaliser un faux documentaire en soixante-douze heures pendant le festival.  Les tournages, qui ont lieu dans toute la région de l’Abitibi-Témiscamingue, font appel à la participation du public. Et la majorité,  du simple citoyen en passant par les maires de municipalités, les journalistes, les policiers etc., n’hésite aucunement à jouer le jeu en devenant comédien d’un jour, même avec les scénarios les plus loufoques.

Jean-Claude Beauchemin, maire de Rouyn-Noranda en 2005, se souvient de son expérience avec le Festival du DocuMenteur :

C’était un superbe groupe de jeunes, créatifs et engagés. Quand ils sont venus me présenter leur projet, je n’ai pas hésité une seconde à supporter leur initiative. Alors, quand ils m’ont aussi demandé de jouer dans un de leurs films, je ne pouvais pas refuser de collaborer à une activité qui contribuait à la réputation culturelle de la ville.  J’étais enchanté d’embarquer dans le jeu. Je me suis beaucoup amusé en le faisant, et aussi en me revoyant!

On peut d’ailleurs voir Jean-Claude Beauchemin dans le film Abitibi Gold, présenté dans ce dossier.

Des films marquants

Abitibi Gold, tourné en 2005 pour le volet Création, est l’un des préférés de Carol Courchesne.  Réalisation : René-Pierre Bélanger, Patrick Masbourian et François Péloquin.

Émilie Villeneuve a été marquée par : Vivre à 35 milles à l’heure, un film à la fois drôle et très touchant, tourné à Val-d’Or en 2004. Réalisation:  Philippe David Gagné, Dominic Leclerc et Jean Marc E. Roy. Ariane Gélinas a aussi choisi ce film comme un de ses préférés, pour sa qualité visuelle (des plans magnifiques) et le jeu des jeunes acteurs particulièrement crédible.

Des affiches mémorables

Le Festival du DocuMenteur  a le don de nous présenter des affiches toujours très originales qui allient l’humour et l’exagération. Vous souvenez-vous de celles-ci?

Le choix d'Émilie : l'affiche 2005, parce que c’est la première affiche officielle réalisée par une graphiste, Karen Lefebvre, ce qui rendait ce 2e festival encore plus vrai!
Le choix de Carol : l'affiche Le monstre du lac en 2009. Parce qu'elle fait référence à toute la culture des films de monstres (et qu'il aime bien ça). Graphiste : Laurie Auger
Le choix d'Ariane : l'affiche de 2007 qui illustre littéralement l'expression "mordre à l'hameçon" faisant directement référence au concept du FODOC. Graphiste Karen Lefebvre.

Le choix d'Émilie : l'affiche 2005, parce que c’est la première affiche officielle réalisée par une graphiste, Karen Lefebvre, ce qui rendait ce 2e festival encore plus vrai!
Le choix de Carol : l'affiche Le monstre du lac en 2009. Parce qu'elle fait référence à toute la culture des films de monstres (et qu'il aime bien ça). Graphiste : Laurie Auger
Le choix d'Ariane : l'affiche de 2007 qui illustre littéralement l'expression "mordre à l'hameçon" faisant directement référence au concept du FODOC. Graphiste Karen Lefebvre.

Tous les trois, on voulait rester en région et on avait une préoccupation de mise en valeur de l’Abitibi-Témiscamingue : on souhaitait montrer que plusieurs lieux étaient de vraies cartes postales. Grâce aux films de création tournés un peu partout, je pense qu’on a participé à faire connaître des endroits méconnus. Les gens étaient fiers de voir leur coin, leur village mis de l’avant dans ces films, conclut Émilie Villeneuve.

En 2010 Ariane et Émilie se rendent près de Turin, où a lieu un premier Festival du DocuMenteur italien, calqué sur celui de l’Abitibi. La bonne idée a fait du chemin… C’est un peu comme dire : mission accomplie!

La bande-annonce Le monstre du lac

Réalisée par Sylvain Noël, cette bande-annonce a gagné le Prix du public au Festivals et Événements Québec en 2009.

Nouvelle équipe, nouveau souffle

À partir de 2013,  Jérémie Monderie-Larouche reprend le flambeau du festival, dont il a été président jusqu’en 2016. Un nouveau comité organisateur est formé.

C’était un défi de continuer à faire vivre le Festival, explique Jérémie Monderie-Larouche.  On a notamment mis l’accent sur le rapprochement avec le milieu de l’éducation : les étudiants en création numérique  de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et les étudiants en cinéma au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue. On a aussi choisi de tenir l’événement non plus en juillet mais en avril, ce qui facilitait la présence autant des équipes de création que du public.

En 2018 les organisateurs nous proposent un festival fidèle à ses origines : expert dans l’art d’exagérer. Sur la photo on retrouve :  le nouveau président Éric Raymond, Patrick Rannou, Louis-Paul Willis, Tommy Millette et Marie-Maude Turcotte. Crédit photo : ©Photo La Frontière/Le Citoyen – Marie-Eve Bouchard.

Pour ses 15 ans,  le Festival promet de Beurrer épais!

Avec un thème comme celui-là, attendez-vous à des soirées où l’exagération est de mise et où l’ambiance est survoltée. Mentionnons le retour de Total Crap, soirée festive qui rend hommage aux désastres télévisuels et cinématographiques et le fameux volet Création qui cette année, est entièrement composé d’équipes régionales et s’accompagne d’un tout nouveau concours de création d’affiches de films. Ça promet. C’est un rendez-vous au Petit théâtre du Vieux-Noranda du 5 au 7 avril. La Fabrique culturelle aura le plaisir de remettre le Prix du jury du volet Création le samedi soir 7 avril.

Et pour vraiment vous mettre dans l’ambiance,  revoici l’hymne national du DocuMenteur, composé par Sylvain Noël en 2006. Attention, l’écouter une fois, c’est l’adopter…

Toute la programmation 2018 est ici.

Bon festival!

Remerciements : Émilie Villeneuve, Carol Courchesne, Ariane Gélinas, Jérémie Monderie-Larouche, Christian Leduc, Marie-Maude Turcotte, l’équipe actuelle du Festival du DocuMenteur de l’Abitibi-Témiscamingue et l’Agence secrète, communication d’influence.