Depuis Baie-Comeau, seule voie vers le Nord, percée dans le territoire de 565 km, la 389 aboutit à Fermont. Archéologie des dernières décennies de développements hydroélectriques et miniers, on croise sur la route les vestiges des villes éphémères nées des grands chantiers et des cités sacrifiées par la chute du prix du fer. Mais surtout, on informe notre rétine de nouveaux verts, ocres, rouges, on découvre des lacs, des marais, le bouclier érodé, les milliers de mélèzes en bourgeons. On se casse le cou pour voir la cime de Manic-5. On circule, minuscule, au pays des 18 roues et de l’immensité boréale.
Non pas une, mais des Côte-Nord. La première, foulée depuis des millénaires par les premières nations. D’autres, successivement créées, une exploitation à la fois. Les pêcheries, le bois, l’hydro-électricité, les mines. Des travailleurs de la Côte et de l’Est du Québec ont fait le pèlerinage vers les promesses de développement, pour un temps, pour tout le temps. Pour le temps rentable, désastre du déracinement par calcul comptable. Une pensée pour les défricheurs du centre de la Gaspésie, fermé sitôt déboisé. Une pensée pour Aylmer Sound. Une pensée pour tous les villages moribonds, vidés de leurs forces vives s’écoulant de la région quand le seul pourvoyeur de travail coupe. Si l’on dit d’une autre planète qu’elle serait propice à la vie, du moins pour l’humain, que dire d’un territoire hospitalier et riche, que l’on vide pourtant de ses habitants? Je n’ai jamais vu Gagnon. Mais je rêve de ce qu’aurait pu vouloir dire occupation du territoire, si l’on avait laissé l’inspiration équilibrer la seule extraction.
Sise sur le 52e parallèle, Fermont. À l’entrée de la ville : le resplendissant retraité Caterpillar 172 donne le ton, un athlète de camion qui aura charrié plus d’un million de tonnes de minerai de fer en carrière. Et le mur, bien sûr. Et des dizaines de joggeurs qui en font le tour, pour un 3 km de santé. En 1974, la Québec Cartier érige Fermont près de la mine du Mont Wright. Le cabinet à qui l’on confia la mission de débroussailler un oasis technologique dans ce Nord s’inspira des designs de cités arctiques expérimentales de l’architecte Ralf Erskine.
Le concept était intéressant, architecture résiliente, tout comme le sont ses habitants protégés tantôt du froid, tantôt des mouches, mais à quelques mètres derrière la flèche qui dévie les vents dominants, on ne change pas la rusticité, il ne pousse toujours pas de citronniers. Et au-delà du mur et du dialogue perpétuel qu’il appelle, de la nature au bâti, il y a des histoires à toutes les portes, il y a un milieu de vie, il y a la valeur communautaire d’une agora centrale, il y a un ancrage pour l’exilé.
Quand elle a quitté Fermont, elle pouvait associer chaque famille à sa maison. Quand elle a quitté Fermont elle avait résolument besoin de recevoir le monde de plein fouet. Mélanie Loisel aura mis des milliers de kilomètres entre elle et la frontière du Labrador. Et elle sera allée à la rencontre de celles et ceux qui ont écrit l’histoire. Elle écrira la leur, dans Ils ont vécu le siècle – De la Shoah à la Syrie, paru en 2015 aux Éditions de l’Aube. Et malgré un passeport garni des étampes de tous les pays qu’elle a parcourus, rien ne l’émeut ni ne l’apaise autant que l’idée de son Nord, qu’elle a quitté.
Et le Nord, la nuit, quand le soleil éjecte des particules qui font réagir les différentes strates de gaz de l’atmosphère terrestre, c’est l’explosion colorée. Le spectacle qui s’offre à qui vit loin de la pollution lumineuse des agglomérations, au privilégié qui lève les yeux au ciel.
Visionnez le magnifique vidéoclip de l’artiste CRi, tourné à Fermont cet hiver.
Architecture et urbanisme arctiques
Un épisode de la série Au-delà des murs qui est rediffusée sur les ondes du Canal Savoir, explore de quelle manière nos hivers pourraient nous amener à créer une architecture propre au Québec.
Un grand dossier (en anglais) du magazine Metropolis aborde une importante question quant aux villes de l’Arctique canadien, dont le design aurait « ignoré les modes de vie traditionnels et le savoir des peuples autochtones ».
Un numéro du Bazzomag a été consacré au Froid avec un grand F.
Merci à Erika Soucy, grand bonheur de collaborer avec elle.
Merci à Mélanie Loisel, grande humaniste devant l’éternel.
Merci à Jocelyn Blanchette, grand passionné de l’infiniment grand.
Merci beaucoup à l’équipe de Télé-Québec à Québec pour le coup de main à l’enregistrement sonore.
Merci à Catherine Pellerin de la Société historique de la Côte-Nord.
Merci à la Ville de Fermont, à l’équipe d’ ArcelorMittal et surtout à Alain Frappier pour le tour guidé !
Merci à Michel Michaud, Martine Cotte et Louise Brodeur pour l’accueil et la mousse chez les Moose !