La Fabrique Culturelle

50 ans de radios communautaires

Donner la voix à la culture locale avec CKRL

En 1973, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a accordé pour la première fois une licence non commerciale à la station radio universitaire CKRL, à Québec. Depuis, les radios communautaires ont fleuri sur le territoire québécois pour proposer une tribune de proximité et diffuser des styles musicaux ainsi que des artistes peu connus. L’idée était d’être complémentaire aux radios publiques d’État et aux radios privées, qui s’en tenaient plutôt à une musique populaire et commerciale. Cinquante ans plus tard, le Québec compte 37 stations qui desservent plus de 450 municipalités dans 16 régions et comptent plus de 250 employés et 600 bénévoles, selon l’Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec (ARCQ).

 

 

Qu’est-ce qu’une radio communautaire?

Photo: CKRL

Une radio communautaire est un organisme à but non lucratif représentant une station à laquelle les citoyens peuvent adhérer, participant ainsi à sa gestion, à son exploitation et à sa programmation. 

Selon leur situation géographique, les stations auront une mission différente. Dans un contexte urbain où l’offre radiophonique est multiple, elles offrent une information hyperlocale tout en faisant découvrir aux auditeurs le milieu culturel, tandis qu’en région, la radio communautaire est parfois la seule source d’information présente sur le territoire où elle est implantée. Sa mission devient donc alors d’informer les citoyens sur la localité et les sujets qui les concernent.

Photo: CKRL

Pour Marjorie Champagne, anciennement bénévole à CKRL et aujourd’hui animatrice de l’émission matinale sur les ondes de CKIA, à Québec, l’important est d’offrir de l’information de proximité et de rester ancré dans les milieux de vie.

Ce ne sont pas toutes les radios qui vont laisser la place au micro à des non-professionnels, sauf dans les entrevues. […] C’est de rendre ça démocratique, de ne pas réserver les ondes à une élite ou à des professionnels. — Marjorie Champagne

 

Une radio pour et par les citoyens

Les radios communautaires existent pour donner l’occasion aux auditeurs de s’exprimer et durent grâce à leur implication considérable. Au micro de CKRL et CKIA, nombreux sont les membres des milieux culturel et communautaire à intervenir. Des citoyens passionnés d’un domaine peuvent aussi avoir leur propre émission ou chronique afin de transmettre leurs connaissances.

De radio universitaire à station de quartier à Limoilou, CKRL existe aujourd’hui grâce au travail de 6 à 8 employés et de 10 administrateurs, et, surtout, grâce à l’investissement d’une centaine de bénévoles. Le directeur général de CKRL, Dany Fortin, parle d’ailleurs de ces derniers comme d’«artisans bénévoles». En effet, ces personnes produisent plus de 90 % de la programmation et représentent le cœur de la station. 

 

Faire émerger le talent

Les radios communautaires sont comme un laboratoire qui permet aux talents d’émerger, tant du côté des invités que de celui des animateurs. Dany Fortin décrit d’ailleurs ces radios comme un tremplin pour les artistes locaux.

En image: Plume Latraverse et Daniel Boucher. Photos: CKRL

L’importance de CKRL est vraiment là; c’est une première porte d’entrée pour ces artistes-là qui n’ont peut-être pas la chance d’avoir une très grande visibilité au départ. — Dany Fortin

Depuis la création de ces radios, des milliers de personnes sont passées précisément par CKRL, et pour certaines d’entre elles, cette première expérience en ondes leur a permis de continuer cette passion d’un point de vue professionnel. Plusieurs personnalités médiatiques y ont fait leurs premières armes; c’est le cas de Matthieu Dugal, de Tanya Beaumont, de Catherine Lachaussée, de Sébastien Bovet, de Claude Rajotte, de Pierre Sormany, de Michel Labrecque, d’Alexandra Diaz, d’Anne-Josée Cameron, de Michèle Boisvert, de Patrick White et d’Hugues Poulin, pour n’en citer que quelques-uns. 

En images: François Pérusse, Tanya Beaumont, Claude Rajotte et Matthieu Dugal. Photos: CKRL

Denys Lelièvre, qui a animé la première émission de l’histoire de CKRL, se souvient d’ailleurs de l’humoriste François Pérusse, qui a fait ses débuts à la station: «Il ne faisait pas nécessairement d’émissions d’humour à ce moment-là, mais son ton était déjà assez drôle. Il était d’abord metteur en ondes, donc, il a assuré plusieurs fois la mise en ondes d’une émission de jazz que je coanimais.»  

Véritable lieu d’apprentissage et d’exploration, la radio communautaire est un espace de liberté. L’animatrice Marjorie Champagne mentionne que l’on peut y créer des émissions avec des amis, faire écouter des musiques que l’on n’entend pas ailleurs ou même faire une entrevue plus longue que prévu. 

 

Les enjeux des radios communautaires

Les radios communautaires font face aux défis propres au 21e siècle. Par exemple, les plateformes de musique comme Spotify et Deezer se veulent des concurrents de taille pour les radios urbaines, selon Denys Lelièvre. Elles accaparent des auditeurs avec une offre alléchante: celle d’avoir le choix d’écouter un large éventail de musique en continu, et ce, plus sans publicité ni voix d’animation. «La pluralité de diffuseurs et l’innovation technologique ont eu pour conséquence de changer la manière de consommer des gens. Donc, on doit essayer de se faire connaître davantage et de se distinguer», explique Denys Lelièvre.  

Denys Lelièvre a participé aux débuts de CKRL et continue encore aujourd’hui sa passion pour la radio en animant deux émissions par semaine à la station.

Chaque semaine, 70 000 auditeurs écoutent CKRL. Ils ont une chose en commun, d’après Dany Fortin: «C’est la passion de la culture en général qui rejoint les gens, et ça, ça n’a pas d’âge. Les gens écoutent CKRL pour la découverte culturelle, la découverte de nouveaux talents musicaux et la découverte des arts, et pour s’informer sur ce qui se passe à Québec.»  

Trouver une stabilité financière est un autre défi auquel font face les radios communautaires. Celles-ci vivent de subventions provinciales et municipales, de la publicité locale et nationale et de financement participatif (pensons aux radiothons et à l’adhésion des membres). 

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Il y a de cela 50 ans, lorsque la première licence expérimentale a été octroyée à CKRL, nul ne croyait qu’en 2023, les radios communautaires seraient aussi présentes partout au Québec. Cela tient fort probablement à la passion de ceux et celles qui les écoutent et qui participent à les rendre vivantes. En donnant une place aux citoyens et en offrant une vitrine aux artistes locaux, elles deviennent de véritables incubateurs de talents.  

Certes, leur survie à l’ère du numérique n’est pas gagnée, mais souhaitons — au nom de la liberté d’expression — encore longue vie aux radios communautaires, et plus précisément à CKRL, plus vieille radio communautaire francophone d’Amérique du Nord.

 

TEXTE
Recherche et rédaction: Galane Maréchal
Technicienne de production: Elizabeth Lord
Coordination: Marie-Claude Leclerc 

PHOTOS
CKRL

REMERCIEMENTS
La Fabrique culturelle tient à remercier Denys Lelièvre, Dany Fortin,
Marjorie Champagne et François Demers pour leur temps.