La Fabrique Culturelle

Erika Soucy : « Je n’ai jamais vu Gagnon »

Quand la ville de Gagnon a été fermée en 1985, l'auteure Erika Soucy n'était pas encore née. Mais son oncle aura à la fois bâti la ville et récupéré le métal de ses ruines. Réflexions sur le déracinement.

Il y a « des » Côte-Nord. L’une foulée depuis des millénaires par les ancêtres des Innus, puis par les Innus. D’autres successivement créées, une exploitation à la fois. Les pêcheries, le bois, l’hydro-électricité et les mines. Quand on roule sur la 389, on croise les vestiges des villes éphémères des grands chantiers et des cités sacrifiées par la chute du prix du fer. Mais surtout, on informe notre rétine de nouveaux verts, ocres, rouges, on découvre des lacs, des marais, le bouclier érodé, les milliers de mélèzes en bourgeons. On comprend le désastre du déracinement par calcul comptable. Une pensée pour les défricheurs du centre de la Gaspésie, fermé sitôt déboisé. Une pensée pour Aylmer Sound. Une pensée pour tous les villages moribonds, vidés de leurs forces vives s’écoulant de la région quand le seul pourvoyeur de travail coupe. Si l’on dit d’une autre planète qu’elle serait propice à la vie, du moins pour l’humain, que dire d’un territoire hospitalier et riche, que l’on vide pourtant de ses habitants? Je n’ai jamais vu Gagnon. Mais je sais un peu mieux ce qu’aurait pu vouloir dire occupation du territoire, si l’on avait laissé l’inspiration équilibrer l’extraction.  

Crédits

Coordination et réalisation : Virginie Lamontagne

Montage : Guillaume Thibault

Texte et narration : Erika Soucy

Archives visuelles : « Gagnon, la belle promesse », Radio-Québec 1984 ; « Fermont, le fond minier », Radio-Québec 1992

Merci infiniment à Erika Soucy, grand bonheur de collaborer avec toi. Merci beaucoup à l’équipe de Télé-Québec à Québec pour le coup de main à l’enregistrement sonore, merci à Catherine Pellerin de la Société historique de la Côte-Nord et merci à Elena Babova-Gyureva pour la recherche d'archives dans les voûtes de Télé-Québec.