La Biennale des artistes des Cantons-de-l’Est — anciennement appelée le Salon du printemps des artistes des Cantons-de-l’Est (SPACE) — suit son cours jusqu’au 11 septembre prochain au Musée des beaux-arts de Sherbrooke. Pour ses 10 ans, l’événement aborde un thème fascinant: le temps. Qu’est-ce que le temps? Comment pouvons-nous le définir? L’immortaliser? Le ralentir?
Les artistes de la région Brigitte Dahan, Jacques Desruisseaux, Nadia Loria Legris, Amélie Pomerleau et Myriam Yates ont réfléchi à ces questions universelles. Certains d’entre eux conçoivent leurs sculptures à partir de matières recyclées pour «étirer» leur cycle de vie, alors que d’autres capturent et immortalisent l’éphémère par le biais de la photo et de la vidéo. Compte rendu en mots et en images.
Son lieu de résidence: Bromont, une municipalité qu’elle apprécie particulièrement pour sa vie culturelle dynamique et sa nature bucolique.
Sa formation: baccalauréat en arts plastiques à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), bonifié de plusieurs formations en sculpture et en céramique
Sa première étape de création: ignorant quand l’inspiration viendra, elle traîne son carnet de croquis partout où elle va, dans sa maison comme en voyage. Elle transforme ensuite ses dessins en sculptures (le plus souvent monumentales).
Sa recette gagnante: elle travaille l’argile avec ses mains, sans utiliser le tour classique. Puis elle fait cuire ses pièces deux fois pour obtenir la solidité désirée.
Son jardin de sculptures: avec son mari, grand amoureux d’horticulture, elle a transformé sa cour arrière à Bromont en une salle d’exposition unique en son genre. Elle y a aménagé plusieurs sculptures en forme d’humains et de créatures de la nature. Certaines œuvres flottent même dans un étang.
QUE NOUS PRÉSENTE-T-ELLE À LA BIENNALE?
Ses œuvres installatives et sculpturales Cluster 1, Mitose, Éclosions 2 et Les miroirs de l’invisible, montrant toutes le monde invisible qui cohabite avec le nôtre, c’est-à-dire celui des cellules, des bactéries et de l’infiniment petit. Sur chacune d’elle, Brigitte a créé des sillons, des crevasses et des marques par moulage, étampage et gravure. Selon elle, ces traces constituent «un vocabulaire plastique qui révèle une histoire habitée par le passage du temps, la transformation et la mutation». Elle a aussi travaillé l’argile, car la terre est une matière première du vivant qui possède un cycle de vie en éternel recommencement.
Son lieu de résidence: Lennoxville, où il a aussi son atelier.
Sa formation: baccalauréat en arts visuels à l’Université Laval, à Québec
Ses pratiques artistiques: homme de plusieurs talents, il adore toucher à la sculpture, à la photographie et l’installation.
Son côté globe-trotter: en plus d’avoir participé à plusieurs expositions solos et collectives, il a fait des résidences d’artiste à l’étranger, notamment en Belgique, en Hollande et en France.
Son art extérieur: avec tact et cynisme, il aime utiliser l’art en plein air pour pousser plus loin la réflexion. Sa série Sentier frontalier traitait notamment de la vacuité du monde très urbain, car elle présentait des messages puissants («tourner en rond», «rien à faire» et «perdre son temps») sur des panneaux de signalisation.
QUE NOUS PRÉSENTE-T-IL À LA BIENNALE?
Sa série Œuvres en continu, composée de pièces sculpturales qui n’ont ni début ni fin. Jacques s’amuse à les transformer à chaque exposition en remodelant des formes, ou encore en ajoutant ou soustrayant des composants. Selon lui, rien n’est jamais figé dans le temps. Plus encore, il emploie des matériaux recyclés — aux marques d’usure et d’oxydation évidentes — qui déjouent le temps en ayant plusieurs vies et utilités.
Son lieu de résidence: Sherbrooke
Sa formation: baccalauréat en études françaises et diplôme de deuxième cycle en pratiques artistiques actuelles, tous deux à l’Université de Sherbrooke
Ses disciplines de prédilection: elle utilise la photographie, la sculpture, le dessin et les techniques numériques afin de témoigner des liens que nous avons tous avec les écosystèmes naturels ou construits.
Son unicité: soucieuse du sort réservé à notre belle planète bleue, elle aime se pencher sur les végétaux rejetés, perdus et gaspillés de notre alimentation ainsi que sur les «mauvaises herbes» et la flore indigène.
Sa transmission d’un savoir-faire: durant ses ateliers, elle explique aux artistes en herbe comment peindre et dessiner avec des pigments naturels, comme le jus d’épinards et l’encre de sureau.
QUE NOUS PRÉSENTE-T-ELLE À LA BIENNALE?
– Son installation in situ Organicité, réalisée à partir de pelures de fruits séchés et de tableaux d’encres végétales. Nadia s’intéresse ici aux cycles de détérioration de ses sujets, prouvant que notre propre enveloppe corporelle devient, avec le temps, aussi périssable que la peau d’une poire ou d’une orange. Même son installation est, en soi, une œuvre d’art éphémère.
– Sa série d’estampes numériques Composte, dans laquelle les sujets végétaux sont montrés dans une perspective intimiste, à la manière de portraits. Alimentée par une réflexion poétique et sensible, Nadia joue avec les paradoxes: même si sa technique de création a le pouvoir de figer un moment de vie dans le temps, elle travaille avec des matières organiques qui, elles, se fanent, se décomposent ou germent au fil des jours.
Son lieu de résidence: Magog. Elle a cependant vu le jour en Alberta et grandi en Ontario.
Sa formation: baccalauréat en beaux-arts (avec majeure en sculpture) à l’Université Concordia, à Montréal, et diplôme d’études professionnelles en taille de pierre du Centre de formation professionnelle Le Granit, à Lac-Mégantic
Ses disciplines de prédilection: outre le dessin et la sculpture, elle aime créer des installations multidisciplinaires avec lesquelles nous pouvons tous connecter physiquement et spirituellement.
Sa démarche artistique: elle explore fréquemment la notion de deuil puisqu’elle a perdu sa fille à la suite de son accouchement difficile en 2012. Selon elle, créer, c’est accepter le pire avec douceur et résilience.
Son attachement à la région: elle se souviendra toujours du coup de foudre qu’elle a eu en roulant pour la première fois sur l’autoroute 10 à Magog: les lacs, les montagnes et la verdure luxuriante détonnaient avec l’aridité des grands espaces nordiques de son enfance.
QUE NOUS PRÉSENTE-T-ELLE À LA BIENNALE?
– Son installation La voix; la matière qui nous compose est indomptable, faite de moulages de mains en céramique qui enveloppent un canoë. Avec cette œuvre suspendue dans le temps et dans l’espace, Amélie fait allusion au passé de diverses manières. Tout d’abord, les mains qu’elle a façonnées incarnent celles de ses prédécesseures féminines. Elles sont synonymes de transmission et de mémoire. Plus encore, son canoë est la métaphore de la migration, voire de la mort, qui est souvent représentée comme un dernier grand voyage.
Son lieu de résidence: Lennoxville. En 2009, elle a quitté son Montréal natal pour aller y vivre avec sa famille.
Sa formation: baccalauréat en arts plastiques et maîtrise en arts visuels et médiatiques, tous deux à l’UQAM
Ses disciplines de prédilection: grandes projections vidéographiques, installations et séries photographiques
Son unicité: privilégiant une approche hybride entre le documentaire et la vidéo d’art, elle filme des lieux singuliers pour mieux les remettre en question: pourquoi valorisons-nous un endroit plus qu’un autre? Quels sont les enjeux sociaux et politiques sous-jacents?
Sa réputation internationale: ses œuvres ont été présentées dans plusieurs manifestations cinématographiques d’envergure, dont le Kassel Dokfest, en Allemagne; les Rencontres internationales Paris/Berlin; le Mois de la photo, à Montréal; et Nuit Blanche, à Toronto.
QUE NOUS PRÉSENTE-T-ELLE À LA BIENNALE?
– Sa vidéo Island, Lyle, réalisée sur l’île de Fogo, à Terre-Neuve. Avec cette monobande de 13 minutes, Myriam souhaite montrer que cette petite étendue de terre, de 25 kilomètres de long et de 14 kilomètres de large, vit à un rythme hors du temps. Dans la solitude de l’hiver, elle a ainsi filmé le contraste entre l’architecture moderne des ateliers d’artistes (bâtis sur l’une des pointes de l’île) et le village resté ancré dans la tradition (à l’autre extrémité du rivage). Ses images baignent souvent dans un parfait silence, que seuls les bruits du vent et de l’eau viennent interrompre par moments.
Psitt! Pour découvrir les autres artistes qui ont exposé à la Biennale durant le printemps 2022, cliquez ici.
CRÉDITS
Rédaction: Édith Vallières
Coordonnatrice: Mélodie Turcotte
Technicienne en production: Elizabeth Lord
PHOTOS
Toutes les photos de ce dossier ont été prises par Jean-Michel Naud, du Musée des beaux-arts de Sherbrooke.