Une primeur présentée au FCIAT
Cette année, le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue (FCIAT) présente en ouverture la première mondiale du film Une manière de vivre, dernière création de la réalisatrice québécoise Micheline Lanctôt.
On profite de l’occasion pour revisiter quelques moments marquants de la carrière de cette créatrice accomplie, à la fois actrice, scénariste, réalisatrice, monteuse et productrice de cinéma.
Saviez-vous que la rencontre de Micheline Lanctôt avec l’Abitibi est bien antérieure à cette édition du Festival? En effet, dès 1973, elle était de passage dans la région pour le tournage du film Les corps célestes, réalisé par Gilles Carle à Rouyn-Noranda.
C’est en 1972 que Gilles Carle a rencontré Micheline Lanctôt par hasard et qu’il lui a offert le rôle principal de son film La vraie nature de Bernadette. Le succès international de ce film les a entraînés jusqu’au Festival de Cannes. Par la suite, Gilles Carle lui a proposé un rôle dans Les corps célestes.
Tourné à Rouyn-Noranda, Les corps célestes dresse le portrait d’un proxénète qui ouvre une «maison de rendez-vous» dans une petite ville minière en 1926. Gilles Carle, qui connaissait bien l’Abitibi pour y avoir vécu dans sa jeunesse, avait fait reconstituer pour les besoins du tournage une rue principale en terre battue.
Desmond, le proxénète (incarné par Donald Pilon), débarque à Borntown accompagné d’un cortège de filles de joie pour y établir un bordel. Desmond et sa comparse Sweetie (Micheline Lanctôt) doivent ruser avec les autorités locales pour ne pas dévoiler la nature de leur entreprise et s’intégrer à la communauté. Puis Desmond s’éprend de sa nouvelle protégée, la jeune et innocente orpheline Rose-Marie (Carole Laure).
Micheline Lanctôt raconte qu’une partie de l’action se déroulait dans la mine Noranda, encore en exploitation à l’époque. Un des rebondissements dramatiques du scénario était un accident qui avait lieu sous terre. Comme il fallait s’y attendre, la minière avait refusé que la scène soit tournée dans sa mine. Malgré l’interdiction de la compagnie, Gilles Carle avait pu tourner sa scène d’accident dans un autre secteur la mine: alors que la première première équipe (l’officielle) tournait une scène sous la supervision de la minière, Gilles Carle, lui, a tourné son accident avec une deuxième équipe.
Bande-annonce du film Les corps célestes
Après ces collaborations avec Gilles Carle, Micheline Lanctôt a vu sa carrière prendre son envol. En 1974, on a pu la voir dans L’apprentissage de Duddy Kravitz, de Ted Kotcheff, en compagnie de Richard Dreyfuss. C’est en 1979 qu’elle a écrit et réalisé son premier long métrage, L’homme à tout faire. Elle a enchaîné avec Sonatine, qui met en vedette Pascale Bussières et Marcia Pilote et qui lui a valu le Lion d’argent à la Mostra de Venise en 1984. En 1988 est paru le film Onzième spéciale, pour lequel elle a travaillé à la fois comme réalisatrice et comme actrice.
Continuant de mener de front sa double carrière d’actrice et de réalisatrice, Micheline Lanctôt a produit, écrit et réalisé Deux actrices (1993), un film indépendant à très petit budget qui lui a valu le prix du Meilleur film aux Rendez-vous du Cinéma Québécois.
En 1994, son film suivant, La vie d’un héros, a fait l’objet d’une controverse publique:
«La vie d’un héros» est un film qui parle avant tout du temps, du mémoire, et non pas de l’Allemagne nazie ou de la guerre. Je n’ai pas écrit le scénario en tentant de justifier ma famille d’avoir éprouvé de la sympathie pour un prisonnier allemand. PÉRUSSE, Denise. «Micheline Lanctôt, la vie d’une héroïne: entretiens», Montréal, L’Hexagone, 1995, Collection Entretiens
Le sujet a dérangé. Il semble qu’il existe peu de traces de ces histoires dans notre mémoire collective; le sujet semble proscrit aux yeux de la population.
Elle attendra six ans avant de tourner un autre long métrage, Le piège d’Issoudun. Suivront Les guerriers, adapté d’une pièce de Michel Garneau, puis Le mythe de la bonne mère (documentaire éponyme), Suzie, Pour l’amour de Dieu et, finalement, Autrui en 2014.
À plusieurs reprises, madame Lanctôt a visité l’Abitibi-Témiscamingue pour y présenter ses films au festival. Elle y est récemment revenue pour participer en tant qu’actrice au tournage du film Guibord s’en va-t-en guerre (2015), réalisé par Philippe Falardeau.
Le film Une manière de vivre se déroule en partie à Montréal, en Abitibi et à la Baie-James. Le personnage principal, Joseph, est un universitaire belge spécialiste de Spinoza. De passage au Québec, il voit sa vie être chamboulée par sa rencontre avec Gabrielle, une jeune femme qui souffre de boulimie et qui travaille comme escorte de luxe. Dans l’espace infini du Nord québécois, à l’opposé du pays minuscule d’où il vient, il se perdra carrément et complètement.
Comme le mentionnait Micheline Lanctôt lorsque nous nous sommes entretenus avec elle par téléphone, la réalisatrice dit s’inspirer de ce territoire de légendes qu’est l’Abitibi, où lacs, mines et personnages plus grands que nature se combinent dans une mixité très porteuse.
«C’est une errance vers le Nord, à travers l’Abitibi, jusqu’à Radisson… C’est une terre de légendes, un territoire de personnages mythiques. Un creuset qui donne lieu à beaucoup de bonnes histoires.
C’est un bled d’ouverture… L’Abitibi est un territoire auquel il faut s’attacher et dont il faut prendre soin.»
Le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue aura lieu du 26 au 31 octobre 2019.