La Fabrique Culturelle

Art-thérapie: la résilience par la création

À l’heure actuelle, de plus en plus de gens se tournent vers la pratique des arts pour reconnecter avec une partie plus enfouie d’eux-mêmes et réussir à trouver un sens à leur vie. Plusieurs artistes l’utilisent également pour aider certaines personnes, communautés et/ou groupes parfois marginalisés à reprendre leur place dans la société et à guérir certaines blessures. Survol d’une pratique thérapeutique qui soigne et qui apaise.

Un peu d’histoire

Il faut remonter à l’Antiquité pour voir une première forme d’art-thérapie dans la catharsis*, un concept qui nous vient du philosophe Aristote. Selon lui, le théâtre, avec ses différents personnages, permet au public de s’identifier à ces figures et, ainsi, de pouvoir vivre les émotions et les sentiments qui sont reproduits de façon fictive. En quelque sorte, on se reconnaît dans ces persona et on expérimente donc aussi les mêmes ressentis.

C’est au XXe siècle, avec la psychanalyse, que l’art-thérapie comme on la connaît a commencé à prendre forme. En effet, les enseignements de Freud — encore utilisés de nos jours dans l’enseignement de l’art-thérapie — ont posé les jalons de cette forme de thérapie par les arts.

En résumé, on propose à la personne souffrante de catalyser ses émotions, et même parfois certains éléments enfouis, pour les faire ressortir au moyen d’une pratique artistique. Que ce soit avec la danse, la peinture, le dessin ou le théâtre, le geste créateur permet de reconnecter la personne avec certaines émotions et de renforcer et/ou d’éliminer certaines croyances dans le but de travailler sur soi et de gérer ou régler des problèmes précis. En créant une image, une représentation visuelle, on permet une exploration plus approfondie en touchant l’inconscient, entre autres. C’est ainsi que peuvent émerger des solutions et des réponses.

L’art-thérapie connaît actuellement un important regain de popularité, et plusieurs artistes s’y intéressent.

L’art comme levier social

Pour Sonia Robertson, c’est une évidence: l’art constitue un excellent moyen pour élever la société, et particulièrement pour aider les Premières Nations. Elle-même innue, elle travaille à Mashteuiatsh, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Elle propose des ateliers durant lesquels elle invite des femmes de sa communauté à explorer l’image de la «femme sauvage», inspirée de la poète et thérapeute Clarissa Pinkola Estés.

Valérie Côté est intervenante en théâtre d’intervention à Val-d’Or. Afin d’aider de jeunes Autochtones de la région à reprendre contact avec le monde du travail, elle a lancé le projet Odabi. Odabi, qui signifie «nos racines» en anicinabe, comprend des ateliers qui permettent à ces personnes de reprendre confiance en leurs capacités et de trouver des solutions pour mieux intégrer une entreprise ainsi que le marché du travail. L’idée est avant tout de retrouver l’estime de soi, de travailler ses qualités et compétences et de réussir à s’intégrer et à prendre sa place dans la communauté.

L’art qui fait du bien

Annie Bilodeau s’est installée pendant huit semaines dans un centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) de Mont-Tremblant pour faire participer des personnes âgées à ses ateliers de création. Alors que pour plusieurs personnes qui se retrouvent en résidence, cela signifie un peu la fin de l’autonomie et de la liberté, l’art-thérapeute apporte, grâce à ses projets créatifs, un nouveau souffle qui leur donne l’occasion d’explorer et d’expérimenter. Pour Annie Bilodeau, il n’est jamais trop tard pour créer. Ainsi, elle offre à ces personnes un petit moment d’émerveillement et d’introspection afin qu’elles puissent retrouver le désir de créer et, ultimement, de vivre.

Plusieurs pratiques artistiques peuvent servir à faire de l’art-thérapie et, dans la série ci-dessous, on explore le théâtre, le cirque, la danse et la musique, ou encore les arts visuels, en tant que différentes formes d’art qui peuvent apaiser et aider à sortir de sa coquille. Les témoignages sont vibrants, et tout le monde est unanime: l’art, ça fait du bien!

Voyez le dossier L’art fait du bien | Quand créer apaise et émerveille

L’art comme guérison

L’artiste Gabrielle Bélanger aime travailler avec les gens et apprendre à les connaître, mais surtout, elle souhaite les aider à explorer des parties plus sombres d’elles et/ou des expériences vécues plus difficiles, voire des traumatismes, afin d’en faire ressortir du beau et du doux. Deux projets qu’elle a créés démontrent particulièrement bien que l’art peut totalement servir à guérir et à soigner des blessures, même si celles-ci sont profondes. En s’invitant dans la Maison Revivre, à Québec, soit un lieu de répit pour hommes en situation d’itinérance, elle a créé un lien singulier avec Pierre (entre autres personnes), un homme qui a vécu de grands traumatismes et qui essaie tant bien que mal de se sortir la tête de l’eau et de réapprendre à s’aimer.

Grâce au projet L.U.N.E. (Libres. Unies. Nuancées. Ensemble), Gabrielle s’est intégrée dans une petite communauté de femmes qui sont (ou ont été) travailleuses du sexe. Celles-ci, avec ouverture et transparence, explorent différents médiums artistiques pour raconter d’où viennent leurs écorchures émotionnelles et les traumatismes vécus, mais surtout pour faire un grand pas vers leur résilience, le tout avec une force exceptionnelle. Un projet qui va tout à fait avec le leitmotiv de Gabrielle, c’est-à-dire: créer pour mieux réparer.

Étudier et faire de l’art-thérapie

Saviez-vous que l’art-thérapie s’enseigne au Québec? L’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) propose une maîtrise en art-thérapie ainsi qu’un programme court de deuxième cycle. L’Université Concordia, à Montréal, offre également un programme de maîtrise.

Pour explorer l’art-thérapie, on peut également aller au Musée des beaux-arts de Montréal, dans l’Atelier international d’éducation et d’art‐thérapie Michel de la Chenelière, où se trouve la Ruche d’art. Il s’agit d’un lieu de création destiné à toutes les clientèles du musée, qui peuvent y explorer différentes pratiques et divers médiums.

* Pour Aristote: effet de «purification» produit sur les spectateurs par une représentation dramatique. (Source: Larousse en ligne)

 

Photo de la une: Bench Accounting via Unsplash