Biennale d'art performatif de Rouyn-Noranda
L’art performance, c’est un peu comme se lancer dans le vide: en présence d’un public attentif et ouvert à l’expérience créative qui se déploie sous ses yeux, l’artiste devient lui-même œuvre d’art. Un moment unique, que l’aspect éphémère rend encore plus précieux.
Débridé, surprenant et troublant, l’art performance? Oui, souvent. Toujours intense, en tout cas. Cette création vivante est un message fort lancé par l’artiste, qui puise en lui-même le matériau principal de l’œuvre. Et même si son langage peut parfois sembler indéchiffrable ou déroutant, cet art extrême atteint toujours son but: nous toucher, d’une façon ou d’une autre. Les artistes spécialisés dans la pratique de l’art performance ont une démarche, une réflexion, une préparation, un canevas, mais tout reste ouvert, et des surprises peuvent survenir en cours de route.
En histoire de l’art, la performance a souvent été identifiée comme un art engagé; un geste politique de la part d’un artiste vivant par exemple sous un régime dictatorial (comme ce fut le cas dans certains pays d’Amérique du Sud); une action unique qui disparaît ensuite, mais qui marque l’imaginaire des spectateurs. Une façon pour l’artiste de faire passer le message. Selon Jean-Jacques Lachapelle, directeur du MA Musée d’art, à Rouyn-Noranda, encore aujourd’hui, beaucoup d’artistes en performance sont issus de cette tradition d’art engagé:
Certains moments dans l’histoire sont très propices à la performance et sont incarnés de différentes façons. En 1910, le dadaïsme amène les artistes à créer de toutes les façons possibles et à rechercher la liberté sous toutes ses formes. En quelques années, ce mouvement atteint toutes les disciplines artistiques et devient mondial. Autre exemple: au Québec, dans les années 60, on assiste à un fort mouvement de contre-culture en littérature.
Les adeptes de l’art performance seront bientôt comblés: du 17 au 20 octobre, la Biennale d’art performatif de Rouyn-Noranda les réunira en différents lieux, dont L’Écart, lieu d’art actuel, afin de vivre ce rituel de l’art où tout peut arriver.
Matthieu Dumont, codirecteur de la Biennale, compare l’événement aux soirées de poésie des années 70:
C’était surréaliste et expérimental. Et ce qui nous caractérise ici, à la Biennale, c’est l’interdisciplinarité et l’aspect international. Les artistes viennent de partout et œuvrent dans des disciplines comme la danse, l’art sonore et les arts visuels, tous avec une approche expérimentale et actuelle. Certains ont une pratique éprouvée; d’autres sont des artistes de la relève, et ils intègrent de plus en plus les nouvelles technologies à leurs performances.
La Fabrique culturelle vous propose quatre vidéos qui présentent différents aspects de l’art performance. On a demandé à Jean-Jacques Lachapelle de les commenter.
L’artiste devient œuvre; il retrouve dans le rituel, dans l’expression corporelle qui emprunte à toutes les disciplines artistiques, une manière d’illuminer l’esprit des regardeurs comme le ferait l’objet d’art.
La performance, c’est aussi l’interstice entre l’audience et l’artiste, l’un conditionnant l’autre à travers des scènes étranges, qui agissent au niveau d’une symbolique brute.
L’enjeu de la performance, c’est la question de la présence. La présence de soi, à soi, aux autres; la présence des objets; la trace concrète de notre passage.
Si longtemps associée à l’automutilation sur scène, la performance cherche aussi à agir comme une catharsis salutaire; une catharsis ouvrant la voie à un épanouissement — et pour l’artiste et pour le public.
Pour Matthieu Dumont:
Il faut être curieux; il faut avoir envie de se laisser aller, de se dire: où est-ce que cet artiste s’en va avec ça? De se laisser embarquer là-dedans, et ne pas nécessairement chercher à tout comprendre tout de suite. Parfois, on comprend après ce que l’artiste a voulu dire…
Jean-Jacques Lachapelle ajoute:
Depuis maintenant 18 ans, la Biennale d’art performatif de Rouyn-Noranda a créé un lieu de réception: plus les gens en voient, plus cela génère en eux une connaissance. La performance est comme un tableau: elle génère des images fortes, et chaque personne ressent quelque chose qui est vrai. On vit dans un monde très formaté et on a peu d’occasions de voir des choses extravagantes. Tout le monde est convié à sortir de l’ordinaire!
Consultez la programmation de la Biennale d’art performatif de Rouyn-Noranda ici.
Crédit photo: Chloë Lum et Yannick Desranleau, What Do Stones Smell Like in the Forest? (The Golem at Rest, With Limbs Extended), 2018.