Le temps est frisquet: on s’emmitoufle dans une couette, on savoure une boisson chaude et on lit! Cinq titres pour accompagner votre début d’automne.
L’histoire commence sur une mort plutôt sordide: un corps est retrouvé, flottant dans une cuve pleine de miel. Comment a-t-il pu atterrir là? Que s’est-il passé? Un masque humain fait entièrement de miel se trouve aussi dans la cuve, ce qui suscite son lot de questions. Meurtre? Suicide? On ne sait trop. Il y aura enquête et, rapidement, on devra plonger dans l’histoire de cette lignée singulière d’éleveurs d’abeilles pour comprendre les racines de cette mort fort étrange. Récit original qui dénote une véritable connaissance du milieu de l’apiculture, ce livre décrit des types de miel dont la seule évocation littéraire met l’eau à la bouche. Avec brio, l’écrivain réussit à nous faire sentir, goûter et découvrir les différents arômes qui composent ces précieux liquides confectionnés avec soin et passion. La capacité de l’écrivain à évoquer des ambiances, des lieux et des saveurs est impressionnante, et on se laisse porter par cette histoire étonnante qui nous fait découvrir tout un monde et un métier fascinants. À découvrir.
Ces poèmes, comme tous ses écrits d’ailleurs, on aimerait que l’auteure nous les souffle à l’oreille, avec sa voix chaude qui transmet si bien les émotions. Dans ce livre, ce sont les femmes qui prennent la parole et qui dénoncent la violence sourde — et trop souvent ignorée — qu’elles vivent ou ont vécu. Car ce sont les grands-mères, les mères et les filles qui élèvent la voix et reprennent leur place, leur existence volée, par le truchement de l’écriture puissante et imagée de Natasha Kanapé Fontaine, celle qui semble avoir tous les talents. À lire sans faute.
Connaissez-vous la poète Emily Dickinson? Cette Américaine, qui ne portait que du blanc à la fin de sa vie et qui a terminé ses jours volontairement cloîtrée, aura écrit des centaines de poèmes, mais n’en aura publié aucun de son vivant, sinon de façon anonyme. L’ouvrage Les villes de papier lui donne la parole et s’immisce dans son quotidien pour la faire revivre et apporter une sorte de lumière douce sur la vie de cette femme étonnante. Entremêlant ses propres réflexions à celles qu’elle prête à l’écrivaine du 19e siècle, Dominique Fortier nous offre une incursion intimiste dans l’univers de deux femmes de lettres qui réfléchissent non seulement à la question de l’écriture, bien sûr, mais également à celles de l’intimité, de l’intériorité et de la solitude.
On reconnaît tout de suite le style bien particulier et l’humour grinçant de Patrice Lessard dans ce roman noir, campé à Louiseville, comme son récent Cinéma Royal. Le Louiseville dépeint par Lessard, morne et déliquescent, n’est pas sans rappeler la Mauricie des romans de François Blais (il ne s’agit d’ailleurs clairement pas de la seule affinité entre les deux auteurs; l’œil avisé le devinera autour de la page 138). L’histoire proposée par Lessard met en scène Patrick, Dave et Blanche, qui complotent ensemble (ou serait-ce les uns contre les autres?) pour organiser le braquage d’un bar pendant le populaire Festival de la Galette. On fait également la connaissance de toute une brochette de voyous de bas étage et autres pégreux de seconde zone, dont les trajectoires s’entrecroiseront, d’un bar crade à un autre. Les mésaventures des protagonistes sont narrées dans une langue châtiée, qui contraste fort avec cet univers au parfum de fond de tonne. Le passé simple et l’imparfait du subjonctif y sont légion et créent un contraste humoristique des plus réussis, qui contribue à rendre ce court roman encore plus jouissif.
La chasse aux autres explore avec originalité les malentendus et les hypocrisies inhérentes aux jeux de la séduction et de la sexualité. Utilisant l’omniprésence des réseaux sociaux et la mise en scène constante du soi comme un pivot central du récit, l’auteur explore en profondeur les clichés de notre époque, mais sans nécessairement les dénoncer. Les personnages, présentés comme des archétypes — le «séducteur», la «bonne fille»… —, sont habilement construits, de sorte qu’au fil du récit, ils se révèlent un peu les miroirs les uns des autres, rappelant que les apparences sont souvent trompeuses. Quand les projecteurs s’éteignent, que le spectacle s’arrête, chacun se retrouve réduit à sa condition d’humain et redevient une petite créature fragile qui cherche simplement à éviter la souffrance. À travers de nombreux emprunts à la littérature et à la philosophie, l’auteur semble vouloir montrer que cette histoire saturée de hashtags et de likes est peut-être plus universelle qu’on pourrait le croire a priori.