La Fabrique Culturelle

Lectures #LaFab: 5 livres, entre poésie, magie et prise de conscience

Des bouquins par des auteur.e.s qui voient les choses autrement.

Les Adieux – René Lapierre

Les Herbes rouges

Ce recueil, massif, nous amène sur les sentiers de l’amour, mais se fait également critique d’une société plutôt malade. Ponctué de petites histoires, anecdotes historiques et faits divers mémorables, le livre nous offre une sorte de confession fragmentée, voire un état des lieux. Une oeuvre «aux allures testamentaires» dit-on. Ce sont les membres du jury du Grand Prix du livre de Montréal qui ont évoqué cela, en novembre dernier, alors que l’auteur remportait la première place. Si vrai. On sent, non pas une urgence de dire, mais plutôt une volonté de laisser une réflexion, comme une force tranquille qui ne fait pas de remous visibles à l’oeil nu, mais qui, pourtant, renverse comme un raz-de-marée. Un grand livre.

Hotel Lonely Hearts – Heather O’Neill

Éditions Alto

Montréal, début du siècle. Deux enfants dans un orphelinat, Rose et Pierre, se remarquent. Ensemble, ils forment un duo exceptionnel et créent de la magie, ni plus ni moins. Ils miment, dansent, jouent et mettent la joie au coeur des gens. Mais ils seront rapidement séparés – Pierre étant adopté et une vilaine soeur de l’orphelinat cherchant à briser leur amitié  – et passeront une grande partie de leur jeune existence à penser l’un à l’autre.

Voilà la prémisse d’un livre qui pourrait donner le ton à une histoire d’amour à l’eau de rose, comme on en a tant vu. Il n’en est rien. La vie se chargera rapidement de montrer de quel bois elle se chauffe aux deux amoureux qui n’auront pas l’existence facile. Drogue, sexe, gangsters, pauvreté, tromperies, prostitution graviteront autour de Rose et Pierre et les obligeront à user de subterfuges pour se sortir de là. Rose, personnage complexe et fascinant, sera celle qui explorera le plus les sphères interlopes, mais les deux amoureux côtoieront des milieux plus ou moins mafieux.

L’histoire d’amour cliché qui aurait pu émerger de ce roman se transforme plutôt en conte cruel où le grotesque côtoie la magie et où l’amour flirte avec la jalousie. Et c’est délectable, même si parfois crève-coeur. Grand plaisir de lecture.

La raison des fleurs – Michaël Trahan

Le Quartanier

Derrière ce magnifique titre, à l’image de couverture teintée de mystère, se trouve l’écriture fine et imagée de l’auteur. Il faut dire que la photographie, et le pouvoir de l’image, prend une place importante dans ce recueil qui est entrecoupé des photographies anonymes d’une femme qui, doucement, entre dans la mer, toute habillée. Va-t-elle s’arrêter là ou se perdre à jamais dans l’eau? Une notice nous apprend à la fin du livre que les images ont été trouvées dans une brocante et qu’un appel sur les réseaux sociaux n’a pas permis qu’on en identifie l’auteur.e. Tout cela augmente cette sensation d’inquiétante étrangeté qui règne dans la poésie de Trahan, évoquant souvent les fleurs, l’enfance, les pierres, l’amour, l’absence d’amour, la nature, les oiseaux.  Beau.

Grosse – Lynda Dion

Éditions Hamac

 

Lecture coup de poing. Lecture difficile, mais incontournable. Entre récit et poésie, entre journal intime et carnet de dessins, entre art-thérapie et confession artistique, Lynda Dion nous amène dans l’existence d’une femme grosse. Grosse, de par son poids physique, mais surtout pleine à craquer d’une avalanche de mots, d’un trop-plein de rage et de haine contre un corps qui défaille, un corps détesté au point de vouloir le déchirer, le vider de ses entrailles. Le livre débute d’ailleurs sur une grave prise de conscience, avec un couteau pointé sur le ventre.

Entrecoupé de dessins qu’elle décrit, telle une catharsis, une analyse de son subconscient, le récit défile à la manière d’un aveu honnête et lucide sur une situation critique: le poids de la vie qui pèse, de la maladie qui gruge, du regard social qui juge, celui qui écrase  le cœur et la tête et dont elle tente de se débarrasser en écrivant. Le résultat? Une charge émotive qui nous rentre dedans, une force des mots – pourtant simples, en disant les choses telles qu’elles sont – une prise de conscience sur un état qui n’est pas que physique. Un livre qui devrait être mis entre les mains de tous et toutes, mais particulièrement dans celles des gens qui sont grossophobes et jugent les gens en surpoids.

Au 5e – MP Boisvert

La Mèche

Quand on pense à un couple, une majorité de gens va s’imaginer un homme et une femme, parce que notre société est très hétérocentrée. Mais d’autres réalités sont aussi possibles, et c’est ce que MP Boisvert démontre dans ce court roman paru chez La Mèche. Au 5e étage de l’immeuble sherbrookois où est campée cette histoire, il y a Alice, Simon, Gaëlle et Camille. Et un nouveau venu: Éloi, l’ex d’Alice. La dynamique n’est pas commune dans cet appartement. Alice est en couple avec Simon, mais également avec Gaëlle et Camille. Et Simon, bien qu’il soit réticent au départ, révèlera bien vite une réelle attirance envers Éloi.

Roman qui aborde une façon atypique mais fort intéressante de vivre les choses, amoureusement et sexuellement parlant, Au 5e arrive comme un vent de fraîcheur. Parce que les réalités LGBTQ+ sont bien réelles et méritent d’avoir une place dans la vie comme dans la culture. De plus, l’écriture est fort agréable, simple, mais intelligente, dans un ton résolument jeune et au fait des identités plurielles et des possibilités infinies qu’offre la vie, tant au niveau identitaire qu’au niveau des orientations sexuelles. Et ça fait du bien de sortir un peu de ce qu’on connait déjà par cœur et qui pèse encore trop lourd dans les sphères sociales. À lire pour s’ouvrir à d’autres avenues…

Et vous, quelles sont vos récentes lectures chouchous?