La Fabrique Culturelle

Lectures #LaFab: 5 livres qui scrutent la psyché humaine

Cinq titres à ajouter à votre pile à lire!

L’habitude des bêtes – Lise Tremblay

Très beau roman d’ambiance, tout en retenue, qui nous entraîne dans la forêt, entre la chasse et la survie, entre guerres de clans et solitude, entre humanité et animalité. Ponctué de réflexions sur la vie et sur la mort, on y observe un homme à la retraite, qui s’est affranchi de la ville pour aller finir ses vieux jours avec son chien Dan, dans un village reculé du Saguenay. Alors que les chasseurs se préparent à contre-attaquer les loups qui sévissent dans la forêt, tuent les autres bêtes et menacent la saison de la chasse, la tension monte dans le village entre ceux qui veulent régler leur compte aux loups et ceux qui estiment que la nature doit faire son chemin. Certain.e.s reprochent à Lise Tremblay la narration plus détachée de ce roman, de notre côté, on lui trouve, au contraire, une force paisible et un détachement qui décuplent cette impression d’être une observatrice ou un observateur privilégié des relations humaines. À découvrir absolument.

Éditions du Boréal

De synthèse – Karoline Georges

 

Un roman très singulier où l’on questionne le pouvoir de l’image à travers une héroïne complètement absorbée par la sienne.

Depuis qu’elle est toute petite, la protagoniste de ce roman est fascinée par cette boîte à images qu’est la télévision et se gave d’images pixelisées, ainsi que d’icônes à la plastique parfaite: la femme bionique, Olivia Newton-John, Wonder Woman. Complètement happée par ces figures, elle joindra rapidement les rangs de celles et ceux qui gagnent leur vie par l’image: les mannequins. Pendant des années, elle peaufinera les poses, les moues. Son corps et son visage deviendront l’essentiel de son existence, entre un désinvestissement de la personnalité, pour mieux investir dans la figure, dans la forme. Entre les souvenirs des années passées à Paris comme mannequin et ceux qui remontent à la surface, faisant découvrir une famille dysfonctionnelle avec un père violent et alcoolique et une mère également désinvestie en qui elle trouvera des ressemblances, la jeune femme raconte sa vie. On comprend que la vie virtuelle, en ligne, avec ses avatars, a dorénavant pris pour elle le pas sur la «vraie vie». Elle s’y réfugie comme dans un nid douillet, où elle peut travailler son image à l’infini, telle une hikikomori*. Une œuvre fascinante et déstabilisante.

Éditions Alto

* Le mot japonais hikikomori fait référence à une pathologie reconnue qui pousse des gens (souvent des adolescent.e.s) à quitter la pression de la vie sociale pour se cloîtrer dans leur appartement ou leur chambre pour de très longues périodes, parfois même des années.

De vengeance – J.D. Kurtness

«Qui n’a pas déjà rêvé de tirer quelqu’un dans la face avec un fusil de chasse?»

Voilà la première phrase de ce roman dérangeant, qui met en scène une jeune femme qui, depuis toute jeune, fait face à un besoin irrépressible de violenter les gens. Il faut dire qu’à l’âge de 12 ans seulement, elle a déjà tué un de ses camarades de classe. Une sorte d’accident, un homicide involontaire, avec les conséquences duquel elle vit très bien. Dès le début du livre, on entre dans la tête de cette fille étrange, dont la soif de violence et d’une justice bien à elle se reflète dans ses moindres faits et gestes. On assistera à la formation d’une tueuse autodidacte, dont les actes passeront d’une volonté féroce de débutante à la brutalité calculatrice d’une véritable meurtrière. On surveillera la carrière de cette auteure innue, qui signe avec De vengeance un premier roman qui donne des frissons dans le dos.

L’instant même

Cinéma Royal – Patrice Lessard

Jeff mène une existence sans grande envergure. Barman dans une taverne crade de Louiseville depuis plusieurs années, après des études en littérature n’ayant débouché sur rien du tout, il est absolument dénué d’ambition. Il s’accommode bien de son quotidien sans relief, entouré d’êtres plus ou moins médiocres, jusqu’à ce qu’une femme mystérieuse passe la porte de son bar. La relation qu’il développera avec cette belle Espagnole, teintée de passion, de folie et de mystère, chamboulera son petit univers. Émaillé d’hommages au cinéma (l’appartement et le lieu de travail du protagoniste se trouvent dans un cinéma désaffecté, prétexte aux souvenirs), ce court roman a aussi quelque chose de cinématographique dans sa construction. On apprécie son humour un peu sombre, les personnages colorés qui l’habitent et l’aisance avec laquelle l’auteur passe d’un registre de langue très littéraire au patois coloré des dialogues.

Héliotrope

Bienvenue au pays de la vie ordinaire – Mathieu Bélisle

Le Québec serait-il la capitale mondiale de la vie ordinaire ? Selon l’essayiste et professeur de philosophie Mathieu Bélisle, ça en est certainement un haut lieu, en tout cas. Ici, la vie ordinaire, qui place en son centre les activités de production, de reproduction et de consommation (le fameux métro, boulot, dodo, en quelque sorte) prime résolument sur la vie consacrée à l’action, à la réflexion ou à la contemplation. Dans une série de textes intelligents et accessibles s’attardant autant à l’histoire et à la vie politique qu’à la littérature ou à l’humour, l’auteur fournit quelques clés pour mieux comprendre les valeurs et le destin du peuple québécois.

Éditions Leméac

Dans notre épisode 5 de Quartier Général, on discute justement de ce livre!